« J’étais complètement perdue… »

L’accueil est un pilier de la vie des communautés Emmaüs. Compagnes et compagnons témoignent…
Ça se passe en France, au Royaume-Uni, en Roumanie, en Colombie, au Pérou, au Bénin ou dans n’importe laquelle des communautés Emmaüs qui hébergent des compagnes et des compagnons : tout commence par l’accueil. Quand on est particulièrement vulnérable, on garde en mémoire l’état dans lequel on se trouvait au moment de frapper à la porte. « Je suis arrivé à la gare, je ne savais pas où aller… » C’est parfois le hasard – « Je descendais dans le Sud, je me suis arrêté… et je suis resté. » –, plus fréquemment le sentiment de la dernière chance : « Je ne connaissais personne. Et même pas un mot de français. » Mais personne ne met la pression : « On avait des “gueules” d’alcoolos et de repris de justice. On ne m’a posé aucune question, personne n’a jugé mon apparence. » Les responsables de communauté laissent le temps de se reposer, avant de proposer une participation à la vie de la communauté « dès que c’est possible. Mais ça vient vite, en général ».
S’intégrer au collectif : la modalité opère en profondeur sur la vie de ces personnes désorientées. « J’ai au moins appris à vivre en collectivité et c’est le principal, car c’est déjà très difficile. » « Depuis que je suis ici, j’ai appris à partager. Je n’avais jamais vécu ça. Et c’est bon… » « Ce n’est plus seulement moi et mes problèmes, ce sont les autres également. » Une responsable de communauté confirme : « Les compagnes et compagnons en retrouvent d’autres qui ont des parcours similaires. Ne plus se sentir différent, ça génère une grande sécurité. » Un autre poursuit : « En arrivant ici, les gens attendent de l’aide et pensent n’avoir rien à offrir. On leur dit : aidez-nous à aider d’autres personnes qui sont en plus mauvaise situation que vous. »
Et la proximité des parcours de vie crée des liens « parce qu’on est dans l’humain, il n’y a pas d’artifice, on ne triche pas ». « La chaleur, l’amour, les expériences des accidents des autres, ça nous soude. » L’affectif s’en mêle, au-delà de la compassion réciproque. « J’ai trouvé des gens simples et cultivés, ce ne sont pas que des “gens paumés”. Il y a de la joie et de la bonne humeur. » « Les temps de partage les plus forts, ce n’est pas dans les temps de boulot, en général. Comme dans le cœur d’une vie de famille. » Le mot est lâché, il revient fréquemment. « Nous sommes tellement proches, une grande famille ! On se soutient dans les périodes difficiles, on se réjouit des bons moments. »
Et peu à peu, après avoir un jour poussé la porte de l’accueil, remonte l’estime de soi. « Ici, tout le monde est “quelqu’un”. » Le travail et la reconnaissance qu’en tirent les compagnes et compagnons y contribuent au premier chef. « La dignité de chacun est dans le travail, il nous remet d’aplomb. » « Se voir redonner une chance, sans être dans l’assistanat, ça nourrit le respect et la fierté ! » Une responsable de communauté résume : « Les personnes accueillies ne sont plus passives. Elles décident où va l’argent et se sentent grandies de pouvoir aider à leur tour d’autres personnes défavorisées. »