La communauté Emmaüs de Pampelune est parvenue à faire de ses pratiques de travail une référence sur tout son territoire pour l’efficacité de la collecte et la réutilisation des rebuts comme pour la légitimation des personnes qu’elle emploie.

La communauté Emmaüs de Pampelune s’est saisie, au cours des années, des enjeux croissants liés aux activités de collecte, de recyclage et de réutilisation des objets au rebut. Dans les premières années du Mouvement, les matériaux récupérés par les « chiffonniers d’Emmaüs » constituaient la source de revenus traditionnelle des communautés, socle de leur autonomie économique et de leurs actions de solidarité. Puis les politiques publiques ont investi de plus en plus ce secteur, les ministères de l’Environnement ont gagné en influence, des directives européennes ont imposé des objectifs de recyclage et de traitement des déchets, ouvrant la porte à des acteurs de poids intervenant sur le terrain d’Emmaüs. Les compagnes et compagnons, peu à peu privé·e·s de matières premières, se sont recentré·e·s sur la collecte d’objets usagés.  

Le groupe de Pampelune, unique acteur organisé travaillant sur ce secteur dans l’agglomération, a cherché à valoriser son savoir-faire de terrain auprès des pouvoirs publics. Dans le cadre d’un accord, des compagnes et compagnons se sont investi·e·s, auprès des équipes municipales, dans des projets pilotes qui visaient à trouver la meilleure manière de collecter sélectivement ces rebuts et de les traiter, afin d’éviter une mise en décharge systématique. Cette collaboration a débouché sur la validation, par la ville, des méthodes pratiquées par Emmaüs, et notamment la collecte par le porte-à-porte, avec prise de rendez-vous préalable. Cette estampille « politique publique » officialise ainsi un système de travail optimisé, qui permet une très importante récupération (jusqu’à 80 % des objets), une remise en état de qualité, la lutte contre l’exclusion de personnes autrefois perçues comme une « problématique sociale », ainsi que la vente à bas prix d’objets réparés dont bénéficient les populations à faible revenu. À ce jour, sept agglomérations (mancomunidad) regroupant 72 % de la population de la région de Navarre ont adopté le système Emmaüs. 

Le groupe a poursuivi ses revendications contre les lois injustes vis-à-vis des plus défavorisés. Il a contribué à faire de la mancomunidad de Pampelune la première entité publique répondant à l’ambition de l’Union européenne de gérer et financer la prévention et la préparation à la réutilisation des objets au rebut. Le groupe a également obtenu, par une campagne de plaidoyer réalisée il y a une quinzaine d’années avec d’autres organismes rassemblés dans un collectif, l’avancée suivante : une clause des marchés publics passés par toutes les administrations de Navarre réserve désormais 6 % des contrats de travaux et services, en nombre et en valeur, à des organisations de réinsertion, à des centres dédiés à l’emploi des personnes défavorisées, ainsi qu’à des collectifs œuvrant contre l’exclusion sociale. Le groupe Emmaüs Pampelune s’est également beaucoup investi dans le Réseau de l’économie alternative pour obtenir la reconnaissance du rôle productif, social, écologique et solidaire non capitaliste de celui-ci. 

Au-delà de la couverture des besoins des vingt-six compagnes et compagnons vivant dans la communauté, le déploiement de l’activité générée par ces évolutions a permis au groupe Emmaüs d’offrir du travail à un collectif de 265 personnes, issues de trente-quatre nationalités – dont les deux tiers ont un lourd passé de problèmes personnels –, toutes dûment couvertes par le droit du travail, comprenant une couverture sociale complète et un accès à des formations. Le groupe de Pampelune considère que son rôle est de se battre pour le droit au travail des personnes, y compris quand elles ne disposent pas de papiers. Volontariste, il a instauré la semaine de 32,5 heures de travail (contre 40 heures maximum selon la loi espagnole), afin de partager l’emploi entre un plus grand nombre de personnes. Il a également mis en œuvre l’égalité des salaires pour toutes et tous, quelles que soient la tâche ou la responsabilité : ce choix permet la mise en cohérence des pratiques de gestion avec les valeurs du groupe. Et c’est une manière concrète de lutter contre la compétition généralisée – qui sévit même entre collectifs dédiés à l’action sociale ! –, et des lois qui oublient systématiquement les plus défavorisé·e·s.